miércoles, 8 de mayo de 2013

M. Messari: “L’Espagne ne veut pas d’un Maroc fort”


Éclairage. Mohamed Larbi Messari, ancien ambassadeur du Maroc à Madrid, explique les raisons de la haine espagnole contre le Maroc.

N. Jouhari

 Mohamed Larbi Messari. “Les Espagnols se sentent humiliés que le Maroc les ait chassés du Sahara”.

Comment interprétez-vous la réaction espagnole par rapport aux événements de Laâyoune?

Mohamed Larbi Messari: Les relations maroco-espagnoles sont compliquées. D’ailleurs, il n’y a pas d’attitude commune des composantes de la société espagnole au sujet des événements de Laâyoune. Il faut distinguer entre la position du gouvernement, pour qui le Maroc est un partenaire privilégié; celle de l’opposition de droite, qui n’a jamais voulu d’un Maroc stable et fort; et, enfin, celle de la presse, qui reflète un sentiment partagé par de larges franges d’Espagnols.

Sauf que le gouvernement n’a pas eu une position claire…

M. L. Messari: Le gouvernement espagnol est dans une situation délicate. Sa cote de popularité est au plus bas. Cela dit, le Premier ministre a remis à leur place les tenants du discours guerrier de la droite en leur rappelant, samedi 12 novembre 2010, qu’il est élu par le peuple espagnol pour défendre les intérêts des Espagnols et non ceux du Polisario. La ministre des Affaires étrangères a relevé que le Maroc reste un partenaire privilégié. Mais, elle a pu faire des déclarations qui vont dans le même sens de celles de la droite, mais c’est plutôt pour calmer les esprits. Je peux vous dire qu’aussi bien le gouvernement que ceux qui dessinent les options stratégiques de l’Espagne n’iraient pas jusqu’à rompre avec le Maroc.

Pourquoi l’opinion publique espagnole est-elle donc anti-marocaine?

M. L. Messari: Les Espagnols considèrent humiliants les huit siècles que le Maroc a pu régner sur l’Andalousie. Ils se sentent humiliés en se rendant compte que le Maroc les a chassés du Sahara au moment où, disent-ils, le général Franco était mourant. Puis, après, il ya eu les dossiers de l’immigration, de la pêche et de la tomate, où le Maroc part toujours favori.

La haine des Espagnols à l’égard du Maroc vient de tout cela à la fois. Sans oublier que pour l’Espagne, un Maroc fort et stable n’est pas acceptable. A titre d’exemple, les enquêtes montrant que les Marocains sont les plus rejetés par les Espagnols parmi une dizaine de communautés. Bref, c’est “une animosité culturelle”.

Est-ce une raison pour que des dizaines d’ONG espagnoles s’érigent en défenseurs des séparatistes?

M. L. Messari : Pas forcément, mais vous savez que dans la loi de finances espagnole, il y a un pourcentage fixe du budget qui est consacré aux ONG espagnoles pour aider à la démocratisation dans le Tiers-Monde. Et pour l’année en cours, ce sont plus de 800 mille euros (près de deux millions de dirhams) qui sont alloués aux associations qui travaillent au Sahara. Avec des sommes pareilles, il y aura forcément du tapage…

Croyez-vous à une connivence entre l’Espagne et l’Algérie?

M. L. Messari: L’historien marocain Abdellah Laroui a dit il y a une dizaine d’années une phrase qui aurait dû nous inciter à la réflexion: «Les Marocains ne se rendent pas compte qu’ils ont un voisinage hostile, ils sont encerclés à l’Est par l’Algérie et au Nord par l’Espagne». Cette situation géographique, on ne peut la changer.

Il se trouve malheureusement que l’Algérie a un complexe d’infériorité vis-à-vis du Maroc et ne peut accepter un voisin fort et stable, alors que l’Espagne qui se veut une grande puissance mondiale, ne peut accepter que le Maroc vole de ses propres ailes et ait droit de cité dans le concert des Nations comme étant une puissance régionale.